Le petit berceau de verre

Hier était une date spéciale.
Je le sais parce que j’en ai presque pas dormi de la nuit. C’est comme ça que réagit mon corps aux dates spéciales.
Cette date, en rapport avec la grossesse de Loup, n’est rien de plus qu’une date totalement arbitraire donnée par monsieur le gynécologue-tout-puissant-meilleur-devin-de-tous-les-temps-qui-sait-mieux-que-toi. Bref. Autant vous dire que moi, ce que j’ai fait ce 8 janvier 2015 je m’en fiche un peu. Mais sur le papier c’est le premier jour de vie in utéro de Loup. Ce n’était très certainement pas son premier, mais une chose est sûre, il n’était qu’un amas de cellules.

Un petit amas de cellule qui, par la magie de la vie est devenu un petit bébé, né quelques 285 jours plus tard.

Alors, de fil en aiguille mon cerveau a divagué. De la grossesse aux premiers jours, d’une écho à une autre.
Et là dans mon lit, à moitié endormie, je me suis revue dans cette pièce où j’ai passé les 286, 287, 288, 289, 290 et 291 èmes jours suivant cette date.

 

Cette pièce dont la fenêtre restait close, à peine s’ouvrait-elle de 7 centimètres et demi. Pas un millimètre de plus des fois que quelqu’un déciderait de jeter un nouveau né par la fenêtre. A partir de 10h et jusqu’au beau milieu de l’après midi, cette fenêtre inondait la pièce de lumière.Un bel été indien qui faisait chaud au coeur, mais qui forçait à fermer les stores. Et les stores, eux, faisaient froid au cœur.
La pièce était bien chauffée, de base, mais avec ce soleil tapant à travers la vitre elle devenait un magnifique sauna.
Un sauna avec une porte. Une porte qui s’ouvrait directement sur le lit. Un porte qui s’ouvrait TOUT LE TEMPS ! A toute heure du jour et de la nuit, à chaque minute, cette porte pouvait s’ouvrir. Un homme ou une femme, Personne connue ou inconnue, n’importe qui passait cette porte à n’importe quel moment. Sans frapper.
D’ailleurs si ça frappait, c’était une visite.
Cette pièce dont la porte donnait directement sur le lit ne me laissait aucune intimité. Plus encore les premiers jours où je n’ai pu m’habiller …
visites.png
Elle était grande cette pièce. C’était une chambre VIP avec la baignoire intégrée pour bébé. Mais pas pour maman… Maman aurait bien pris un bain pourtant… Maman aurait tué pour un bain bien chaud.

Dans cette pièce j’avais l’impression de n’être qu’un objet. Piégée dans mon corps endolori, greffée au lit ou au fauteuil.

Dans cette pièce il y avait mon lit. Un lit avec juste des draps blancs qui vous effleurent la peau sans vous envelopper. Des draps d’hopitaux dans lesquels les doux rêves ne viennent pas se lover. Il y avait un oreiller aussi, tout mou. Où la garniture s’enfuyait sur les bords pour laisser à ma tête l’immense bonheur de se heurter au matelas.

Il y avait un fauteuil aussi. Pas très confortable, trop profond, trop bas et trop mou.
C’était un « clic-clac » pour que le papa puisse dormir là, mais point de papa pour le louveteau. Ce n’était donc qu’un fauteuil inutile duquel il était impossible de se relever avec un bébé dans les bras. Pratique !
Et puis une table ou bouquets et paquets, témoins des visites, s’entassaient encore et encore. Ils côtoient la feuille des tétées et le crayon, toujours inaccessible une fois installée.

Souvent dans cette pièce je me faisais gronder comme une petite enfant qui aurait oublié quelque chose. Gronder parce que, exténuée, je demandais un peu d’aide pour la nuit. Gronder parce que je n’avais pas tiré mon lait. Gronder parce que je n’avais pas mangé (en même temps le plateau arrivait toujours à l’heure de la tétée …). Gronder parce que je n’avais pas inscrit les heures de changes et de repas sur une feuille qu’on ne m’avait pas montrée. Gronder parce que le louveteau n’avait ni gilet ni bonnet (mais c’était un sauna bordel !). Gronder car la tétée est trop courte, gronder car la tétée est trop longue. Grondée, toujours, encore, et toujours.

Il y avait cette sonnette aussi, sur laquelle je devais appuyer dès que le berceau nécessitait une action.
Oui, dans cette pièce il y avait un berceau, occupé semble-t-il, par mon louveteau. Autant le berceau je m’en souviens trèèès bien, autant le louveteau ? C’était un mythe non ?

Berceau.png

Ce berceau, on me l’enlevait dès que la porte s’ouvrait.
A 6h pour le p’tit dèj, on me l’éloignait du lit.
A 8h pour le ménage, on me l’éloignait du lit.
A 9h pour le pédiatre, on me l’éloignait du lit.
A 10h pour le bain, on me l’éloignait du lit.A 11h30 pour le repas, on me l’éloignait du lit.
A 13h pour le test de je sais pas quoi, on me l’éloignait du lit.
A 14h pour les visites interminables, on me l’éloignait du lit.
Il revenait vers 18h, mais à 19 h, pour le repas, on me l’éloignait du lit.
Et puis à 20h aussi, pour la visite du gynécologue.
Et à 22h, pour le tour de nuit…
Et puis la première nuit aussi, on me l’a pris en pouponnière.
La 3 eme nuit aussi …

Quand je vous dis que cette porte s’ouvrait tout le temps !!

C’est vrai que ce berceau attirait tous les regards, et faisait dessiner des sourires sur toutes les lèvres du cortège des femmes de ménages, auxiliaires de puériculture, sage-femmes, pédiatres, gynécologues et de la 12 aine d’autres personnes. De mes proches aussi.

Et de mon lit, je ne le voyais pas de toute façon ce berceau, il était trop haut.
Mais j’ai beau chercher, chercher, chercher, je ne me souviens pas de ce petit berceau de verre occupé.

C’est cruel, parce qu’il était là mon bébé, et pourtant… Aucun souvenir de lui dans cette pièce. C’est encore plus cruel je pense, que si on avait été séparés…
J’ai beaucoup de photos de cette pièce. Enfin, surtout du louveteau dans cette pièce.
Je les connais par cœur ces photos, mais aucune ne me parle…

Au final, de cette pièce, je ne garde AUCUNE nostalgie.
Mais alors, vraiment aucune …
Et je crois que le prochain papa pour le prochain bébé devra me promettre monts et merveilles pour que j’accepte d’y retourner…

Laisser un commentaire